Le vétéran du rap britannique Roots Manuva revient avec « Bleeds« , après quatre ans d’absence. Un album très sombre qui marque quelque part un tournant avec ce que l’artiste à l’habitude de faire. N’empêche que l’exercice est plutôt réussi et ouvre sur de nouvelles perspectives.
D’entrée Roots Manuva met la pression avec ‘Hard Bastards‘. La production est lourde et oppressante. Malgré sa voix chaude et chantonnante, l’ensemble dessine un froid comme perdu dans une zone industrielle abandonnée. ‘Crying‘ est peut-être le morceau qui mettra le plus mal à l’aise l’auditeur, tant par sa thématique en elle-même qu’avec ses samples de bébé qui pleure. ‘Facety 2:11‘ avec sa rythmique saccadée et robotique est comme un dédale dans lequel on ne s’en sort jamais.
On souffle un peu malgré tout avec ‘Don’t Breathe Out‘, grâce sa tonalité plus joyeuse, mais en écoutant attentivement les paroles: ce n’est que de l’ironie plaquée sur musique. L’ambiance trip-hop et mélancolique de ‘Cargo‘, ‘Stepping Hard‘ et ‘I Know Your Face‘ font penser au Roots Manuva des débuts et démontrent tout le talent qu’a le rappeur à plonger l’auditeur dans son univers. ‘Me Up!’ et ‘One Thing‘ sont dans la même optique que les premiers titres de l’album : sombres, froids et oppressants. L’opus se termine sur ‘Fighting For?‘, un morceau qui se veut comme un happy end après un long tunnel duquel on ne voyait plus la lumière arriver au bout.
It’s not me but I know a few bastards
And most broke cunts are all true bastards
And most rich cunts are even more bastards
Basking in the glory, of getting to the life
Life in the fast lane might seem nice
Got a little pea’s, got a little rice
You cross your heart and hope to stay alive
You cross your heart and hope to stay alive
Ces paroles tirées de ‘Hard Bastards‘, révèlent l’envers du décor. Un Roots Manuva misanthrope voyant avec un certain dédain la société dans laquelle il vit. Si les productions sont intenses, la plume du Britannique l’est tout autant, témoin du dysfonctionnement généralisé d’une civilisation en perte d’identité et d’un but commun.
Big Dada Records – 2015
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